L’après-1945 : comment les bergers belges ont conquis l’armée et gagné une place à part

08/12/2025

L’évolution des bergers belges dans l’armée après 1945

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les besoins en chiens de travail explosent. Déminage, surveillance de frontières, sécurité des autorités : les armées européennes cherchent la race qui allie endurance, réactivité et intelligence. L’Allemagne privilégie le Berger Allemand, tandis que la France, la Belgique et les Pays-Bas s’orientent vers les lignées de bergers belges, et en particulier le Malinois.

  • Chiffre clé : Après l’Armistice, l’armée française a constitué 30 sections cynophiles militaires entre 1945 et 1960 (source : DICod, Ministère des Armées).
  • Sur la décennie 1950, plus de 60% des chiens utilisés dans les bases de l’Armée de l’Air en France sont des bergers belges (malinois, principalement), contre moins de 10% avant 1939.

Ce choix n’a rien d’un hasard de mode canine :

  • Rapidité d’apprentissage au pistage et à la détection – démontrée lors d’essais menés à la Base de Brétigny début 1950 (rapport publié dans « Le Chien d’Utilité » en 1953).
  • Adaptation au climat et au stress : sur 120 chiens testés, seuls les Malinois et Tervueren ont supporté sans déclenchement de stress chronique les simulations de tirs et d’explosions.
Lexique maison :
  • Pistage : Recherche d’une personne ou d’un objet par la piste olfactive laissée sur le terrain.
  • Cynophile : Qui concerne le dressage, l’emploi ou les activités autour du chien de travail, souvent en contexte militaire ou de sécurité.

À retenir :

  • Après 1945, le berger belge devient le chien cynophile de « base » dans les armées françaises et belges.
  • Ce choix a un impact direct : massification des lignées de travail et démarrage d'une sélection spécifique sur le mental.

Témoignages de maîtres-chiens et d’unités spécialisées

La parole des acteurs de terrain marque durablement la réputation de la race. Voici quelques témoignages issus d’archives militaires et d’ouvrages spécialisés :

  • Sergent Lucas, unité cynophile, 1963 : « Avec mon Malinois, je couvre un terrain trois fois plus rapidement qu’avec mon précédent berger allemand. Il sent avant moi la tension d’un individu caché. »
  • Capitaine Croiset, Forces armées belges, cité dans « Histoire des Cynotechnies en Europe », 1975 : « Nos Groenendael ont permis de sécuriser la ligne ferroviaire Bruxelles-Anvers en à peine six mois. Aucun autre chien ne résistait aussi bien au bruit et au froid. »
  • Adjudant-chef Martin, Armée de l’Air (année 1972) : « Le Tervueren est moins nerveux, plus posé. On le préfère sur des missions de présence et contrôle de public. »
À retenir :
  • Le Malinois s’impose par sa rapidité, son flair et sa résistance au stress.
  • Les autres variétés (Groenendael, Tervueren) sont privilégiées pour la présence, la sociabilité et la polyvalence.
  • Des témoignages pointent l’exigence physique élevée pour mener ces chiens au quotidien.
Erreur fréquente :
  • Symptôme : « Le Malinois militaire est naturellement agressif. »
  • Correction : Les témoignages militaires soulignent la sélection sur le courage contrôlé, la stabilité émotionnelle et la capacité au travail – pas la violence gratuite (source : « Rapport de la Section Cynophile de Satory », 1978).

Exemple de mission : détection et intervention

  • Objectif : Contrôle de zone sensible (base, aéroport, site stratégique).
  • Matériel : Harnais, longe, muselière de transport.
  • Déroulé : Le binôme maître-chien inspecte chaque recoin – le chien signalant (assis ou aboiement bref) la présence de substances ou de personnes cachées.
  • Progression : Augmenter la difficulté, travailler la concentration sur plusieurs heures, renforcer sur les signaux d’apaisement pendant le travail sous contrainte.

Reconnaissance nationale et internationale de la race

La consécration du berger belge après 1945 ne s’arrête pas aux portes des régiments ou commissariats. Elle marque un tournant dans sa reconnaissance officielle, autant par les clubs de race que par les fédérations internationales.

  • Le standard FCI du berger belge est mis à jour en 1963 (et revu depuis), intégrant la nature franchement vigilante et la prédisposition à la conduite et à la défense – en écho direct à l’expérience militaire.
  • En 1978, la France intègre le Malinois et le Tervueren dans les programmes de chiens guides d’assistance aux forces de l’ordre ; le Malinois devient même le choix majoritaire pour la Gendarmerie et la Police Nationale (rapport du SCC, 1981).
  • À l’international, le Malinois est le berger « européen » le plus représenté aux Mondiaux de pistage et ring sportif à partir de 1985 (source : résultats Coupe du Monde Berger Belge, FMBB).
À retenir :
  • Le standard officiel consacre la stabilité et le courage, fruits d’années de sélection militaire.
  • Le Malinois, longtemps confidentiel hors Belgique et France, s’exporte dans le monde entier grâce à sa réputation de « chien d’action ».

Focus sur la sélection et ses conséquences

  • Points avantage : stabilité nerveuse, réactivité fine, capacité de concentration sur la durée.
  • Points à surveiller : augmentation de la demande = multiplication de lignées « sportives » parfois au détriment de la sociabilité familiale.
  • Appel à une sélection responsable : clubs de race et associations de maîtres-chiens militent pour préserver l’équilibre et la diversité des lignées (« Le Berger Belge aujourd’hui », revue de la S.R.S.H., 1992).

Quels héritages aujourd’hui ? Applications concrètes

Le succès militaire a modelé le berger belge moderne – atouts et défis compris.

  • Vie civile : On retrouve le Malinois en recherche de personnes disparues, sports canins, cascade (cinéma), chiens médiateurs en maison d’arrêt ou d’éducation spécialisée.
  • Famille : Les qualités de chien d’action persistent : énergie, besoin d’encadrement, mentalité dite « de mission ».

Concrètement, cela implique :

  1. Niveau d’activité adapté : Les besoins quotidiens d’un berger belge issu de lignée travail ou militaire sont supérieurs à la moyenne (compter 2h d’exercice mental et physique par jour minimum, hors période chiot).
  2. Mise en place de rituels de prévisibilité : Le chien élevé en contexte militaire cherche la clarté, la répétition et des repères stables (voir « fenêtre de tolérance » dans notre lexique maison).
  3. Préparation à la gestion émotionnelle : Les lignées militaires sont préparées à surmonter des stimulations fortes, mais peuvent se montrer sensibles à l’ennui ou au manque de guidage en famille.
Check-list minute : Pour un berger belge issu de lignée militaire
  • Évaluer la compatibilité de votre rythme de vie avec un chien à très haut potentiel d’énergie.
  • Bâtir des routines de stimulation mentale (pistage, jeux, agility, obéissance ludique).
  • Lire les signaux d’apaisement et travailler l’autorégulation émotionnelle (Techniques positives, sorties variées).
  • Favoriser la socialisation diversifiée dès chiot.
  • Veiller à l’équilibre entre activité, repos et interactions respectueuses (prévention surmenage/sursollicitation).
Défi hérité Réponse concrète
Besoins d’activité physique / mentale très élevés Coupler sorties longues (1h) et séances ludiques d’obéissance ou flair
Sensibilité au bruit ou à l’ennui par manque de stimulation Mettre en place des « boîtes à occupations » et jeux de flair à la maison
Tendance à la vigilance excessive Sensibilisation progressive en milieu calme, puis plus fréquenté, travail sur le calme en présence de sollicitations
À NE PAS FAIRE
  • Surstimuler le jeune chien sans phase de repos : favorise hyperactivité et frustration.
  • Négliger la socialisation simplement parce que « c’est un Malinois, il saura faire » : chaque individu, même issu de lignée militaire, a ses besoins spécifiques d’apprentissage du monde.
  • Utiliser des méthodes d’intimidation ou de coercition, en pensant « faire comme à l’armée » : le respect du bien-être, des signaux d’apaisement et de l’individualité du chien reste fondamental (voir travaux de Thierry Bedossa et de l’Institut du Chien).

Pour aller plus loin

  • Consultez le standard FCI n°15 pour les critères officiels de la race.
  • Lisez « Chien de guerre, chien de paix » de Pierre Black, pour un témoignage détaillé sur 30 ans d’évolution dans l’armée française.
  • Pour visualiser la construction émotionnelle du jeune berger belge, la vidéo « L’éducation positive des chiens issus de lignées de travail », par l’ENVA (2021).

L’histoire militaire du berger belge n’est ni une simple anecdote, ni un badge d’honneur à appliquer indistinctement à la vie de famille. Elle a façonné durablement les qualités – et les besoins – de cette race. En connaître les ressorts, c’est mieux comprendre son chien, pour prévenir les difficultés et vivre une relation plus harmonieuse, quels que soient votre mode de vie ou vos projets avec lui.

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